Et si, à l’aube d’un jour nouveau, nous entendions le gouvernement annoncer avec gravité et clairvoyance qu’il renonçait à l’engrenage de l’endettement extérieur, qu’il abandonnait l’idée de contracter des emprunts colossaux de plusieurs milliards de dollars, et qu’il choisissait à la place d’assumer, avec courage et responsabilité, la mobilisation de ses propres ressources nationales et la rationalisation de ses dépenses. Ce revirement marquerait une rupture avec la dépendance et inaugurerait une ère où l’économie serait pensée à l’échelle des générations, afin de ne pas hypothéquer l’avenir pour financer les urgences du présent.
Et si, dans le même élan, l’exécutif annonçait qu’il renonçait définitivement au projet de modernisation de Nouakchott, car la patrie n’est pas réductible à sa capitale. Ce geste traduirait une reconnaissance profonde que les richesses de la nation appartiennent à tous, et que les habitants de l’intérieur, souvent livrés à l’isolement et au manque des services les plus élémentaires – eau potable, électricité, soins de santé, écoles, routes carrossables – ne sauraient être laissés en marge de la dynamique de développement.
Et si nous nous réveillions enfin sur un acte politique fondateur : l’abolition effective du tribalisme et de l’ethnicisme par la consécration de l’égalité devant les institutions de l’État. Une telle révolution sociopolitique n’aurait d’autre ciment que la citoyenneté elle-même, libérée des allégeances étroites et des appartenances héritées.
Et si les revenus issus du gaz étaient réorientés vers de vastes programmes d’irrigation agricole moderne, assurant l’autosuffisance alimentaire et protégeant les générations à venir des turbulences des marchés mondiaux. Et si, dans le même souffle, une véritable stratégie énergétique s’enracinait dans les ressources renouvelables du pays – soleil et vent –, garantissant l’autonomie énergétique, la durabilité écologique et la souveraineté nationale.
Et si le gaz devenait aussi le levier d’une industrialisation différée depuis trop longtemps, permettant à la Mauritanie de transformer son minerai brut en produits métallurgiques à forte valeur ajoutée. Le fer et l’acier, produits sur place, deviendraient les instruments tangibles d’une souveraineté économique retrouvée.
Et si les investissements publics se traduisaient par des infrastructures solides – routes, ports, lignes ferroviaires – reliant les confins du territoire à son centre, abolissant l’exil intérieur, stimulant le commerce et intégrant enfin l’ensemble des régions dans l’espace national.
Et si la lutte contre la corruption cessait d’être une rhétorique circonstancielle et devenait une politique d’État implacable, s’appliquant à tous sans exception, à chaque forme de prédation : détournements, favoritisme, évasion fiscale, marchés truqués. En reprenant la rigueur des enquêtes de la « décennie », mais en l’élargissant à tout abus, sans distinction ni calcul politique, l’État poserait un interdit fondateur : celui de l’impunité.
Et si, un matin, la méritocratie s’imposait comme principe intangible dans les nominations et les carrières publiques. Si les jeunes trouvaient des emplois sur la base du seul critère de compétence, sans piston ni intermédiation, et si les promotions devenaient l’aboutissement du mérite et de l’effort, et non la récompense de fidélités tribales ou politiques. Alors la confiance dans les institutions renaîtrait et l’administration se réinventerait.
Et si, au lieu d’élections façonnées par l’achat des cartes électorales et les fidélités étroites, nous assistions à des scrutins où la confrontation se ferait sur des programmes et des visions d’avenir. Où la citoyenneté l’emporterait sur le clientélisme, et où la dignité du suffrage marquerait la maturité politique de la nation.
Et si les médias publics devenaient de véritables espaces de pluralisme, où la diversité des voix nourrirait le débat collectif, au lieu de l’étouffer. Si l’on entendait, sur les ondes nationales, l’expression de toutes les sensibilités, contribuant à la construction d’un projet commun.
Et si la politique de l’emploi se recentrait sur l’intérêt national : priorité aux compétences locales, régulation stricte de l’immigration de travail, organisation équitable de la concurrence entre acteurs économiques. Si les entreprises nationales bénéficiaient enfin d’une protection et d’un soutien leur permettant de rivaliser avec les multinationales, transformant le développement en partenariat équilibré plutôt qu’en dépendance structurelle.
Ces « si » forment une utopie, mais une utopie nécessaire. Car elle dessine le rêve collectif d’un pays qui refuse d’être condamné à la résignation. C’est l’aspiration à un État juste, équitable et fort, où les ressources ne sont pas un fardeau mais une promesse, où la citoyenneté est la seule appartenance reconnue, et où l’avenir cesse d’être une inquiétude pour redevenir une espérance.
Alors, puisse ce rêve se transformer en dessein politique, et ce dessein en réalité nationale. Puisse Dieu protéger ce pays, préserver ses richesses et guider ses enfants vers le service exclusif du bien commun. Puisse-t-Il inspirer à ses gouvernants la lucidité, la droiture et la volonté d’inscrire l’histoire nationale dans le sceau de la justice, de la dignité et de la prospérité.
Écrit par l’Ingénieur El hadj Sidi Brahim SIDI YAHYA
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