Dans le tumulte d’une scène nationale agitée par les révélations de la Cour des comptes, un nom vient bouleverser les certitudes et ébranler les convictions : celui de Cheikh Ould Bedda, ancien directeur général de la Société Mauritanienne d’Électricité (SOMELEC).
Un nom que beaucoup associent à la rigueur, à la discrétion et à une conception exigeante du service public. Sa mention dans le rapport de la cour des comptes a l’effet d’un séisme silencieux — un choc moral dans une société déjà ébranlée par la défiance et la lassitude.
Car il ne s’agit pas d’un responsable quelconque : Cheikh Ould Bedda symbolise cette rare espèce de cadres dont la loyauté ne se monnaye pas, dont la conscience prime sur les privilèges.
Il incarne une rigueur professionnelle sans ostentation, une intégrité sereine, étrangère aux connivences et aux jeux d’intérêts.
Un homme devenu la victime du système qu’il voulait assainir
Les témoignages abondent : sous sa direction, la SOMELEC s’était engagée dans un processus de rationalisation, dérangeant ceux qui avaient fait du désordre leur modèle de gestion.
Il avait osé s’attaquer aux privilèges opaques, coupant les circuits de rétrocommissions et de contrats surfacturés.
Il avait refusé de cautionner des marchés truqués, mis fin au recrutement de complaisance, imposé la traçabilité des dépenses et instauré une culture de contrôle interne.
Autant de mesures qui, dans un environnement miné par les habitudes de connivence, revenaient à déclarer la guerre à un ordre établi.
Mais la question demeure : vaut-il vraiment la peine de s’attaquer aux défaillances du système quand ceux qui le font sont abattus sans pitié par les pires corrompus ?
Cette interrogation n’est pas rhétorique — elle est posée par les faits.
Plusieurs responsables connus pour leur intégrité ont vu leur combat déformé, sali, puis retourné contre eux par ceux qui gravitent dans les cercles du pouvoir, parfois sous le couvert même de la proximité avec le président.
Mais que nul ne s’y trompe — tôt ou tard, ces artisans de l’ombre paieront le prix de leur lâche besogne ; leurs manœuvres seront traquées, exposées et sanctionnées, et l’histoire retiendra ceux qui, par la ruse et la calomnie, ont voulu étouffer la vérité.
Ainsi, la lutte contre la corruption, quand elle vise les bonnes volontés plutôt que les véritables prédateurs, cesse d’être une réforme morale et devient un instrument de neutralisation du mérite et du courage.
Le paradoxe d’un pays riche qui vit pauvre
Comment expliquer qu’un pays aussi riche en ressources naturelles — gaz, fer, or, poisson, cuivre — puisse encore quémander l’aide internationale pour nourrir ses enfants ou instruire ses jeunes ?
Comment justifier qu’un forage d’eau ou une salle de classe deviennent des actes de charité, alors qu’ils devraient relever du fonctionnement normal de l’État ?
Ce paradoxe douloureux ne traduit pas un manque de moyens, mais un échec de gouvernance, un gap profond entre les richesses du sol et la pauvreté du citoyen.
Dans ce contexte, la lutte contre la corruption est devenue le grand récit de la rédemption nationale — un projet à la fois moral et politique, censé restaurer la confiance et la justice. Mais un récit qui, mal conduit, peut aussi se retourner contre sa propre légitimité.
La guerre juste ne suffit pas : il faut aussi la méthode
Nul ne conteste que le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani ait eu le courage d’engager une croisade contre la corruption, rompant avec la complaisance du passé.
Mais cette guerre, pour être crédible, doit se fonder sur une architecture juridique et morale claire, et non sur la tendance à livrer quelqu’un à la vindicte populaire.
Or, au lieu de frapper d’abord les grands réseaux d’enrichissement illicite, on s’acharne sur des erreurs de gestion, souvent imputables à des dysfonctionnements structurels plutôt qu’à des intentions frauduleuses.
Les véritables prédateurs, eux, connaissent les règles du camouflage :
ils habillent le crime d’arguments comptables,
déguisent la fraude en procédure,
et transforment la corruption en respect apparent de la légalité.
Aucun rapport d’audit, aussi complet soit-il, ne peut démasquer ces crimes sophistiqués.
La seule réponse à la hauteur du fléau serait d’appliquer un “D’où tiens-tu ta fortune ?” effectif, couplé à une saisie systématique des biens suspectés, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, par les voies diplomatiques et judiciaires internationales.
Transparence sélective : les années oubliées
Il aurait également fallu que le gouvernement publie les rapports de la Cour des comptes pour les années 2019, 2020 et 2021, couvrant le début du mandat actuel.
Ce sont des années du mandat du président actuel, qui doivent être épurées des corrompus afin d’instaurer un principe d’égalité dans la reddition des comptes.
Jusqu’à présent, aucune explication n’a été fournie quant à l’absence de ces rapports, ce qui nous pousse à nous interroger :
ces années étaient-elles réellement exemptes de corruption ?
– C’est utopique de le croire.
ou bien leurs responsables ont-ils simplement bénéficié de la chance ?
– Ce n’est pas vrai : la justice finira par les retrouver, où qu’ils se cachent.
ou encore, la logique politique a-t-elle dicté le silence et le dépassement ?
Quand la rumeur remplace la justice
À peine quelques noms apparus dans les médias que les réseaux sociaux se sont transformés en tribunaux populaires, distribuant les condamnations avant même les enquêtes.
Dans ce brouhaha numérique, le soupçon tient lieu de preuve, et la réputation devient une sentence.
C’est ainsi que Cheikh Ould Bedda a été publiquement désigné comme dilapidateur des deniers publics, d’une manière injuste, profondément humiliante et moralement blessante — une accusation qui a choqué tous ceux qui le connaissaient pour son intégrité et sa droiture.
Et dans cette atmosphère viciée, le bruit a pris la place du droit, et la rumeur celle de la justice.
Défendre la probité, pas les individus
Nous ne plaidons ni pour une personne, ni contre une institution.
Nous plaidons pour la probité comme principe structurant de la vie publique —
la probité de la conscience, celle du geste, celle de la gestion, celle de la parole.
Nous plaidons pour une justice qui distingue l’erreur du délit,
pour une éthique de responsabilité qui protège les honnêtes autant qu’elle punit les coupables,
et pour une gouvernance qui valorise l’honneur du service public face au lynchage médiatique.
Car une justice qui ne protège pas les innocents ne convaincra jamais qu’elle peut punir les coupables.
Et c’est en cela que la défense de Cheikh Ould Bedda dépasse sa personne : elle devient le combat pour la sauvegarde de l’intégrité face à la déformation et à l’injustice.
Ecrit par l’Ingénieur El Hadj SIDI BRAHIM SIDI YAHYA
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