Alors que la Mauritanie traverse une phase politique décisive, la question de l’équilibre des pouvoirs revient au centre du débat public. L’hyper-présidentialisme, devenu une constante de la vie institutionnelle, bloque l’émergence d’un État moderne et freine l’évolution démocratique. À l’heure où s’ouvre un nouveau cycle de réflexion nationale, repenser les fondements de notre gouvernance apparaît plus nécessaire que jamais.
Un système politique verrouillé
Dans toute démocratie fonctionnelle, l’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire constitue la garantie essentielle contre les dérives autoritaires. En Mauritanie, cet équilibre reste largement illusoire. Le pouvoir exécutif concentre entre les mains du président un champ d’action sans équivalent : orientation de la justice, influence directe sur la production législative, domination de l’appareil sécuritaire et étend son influence jusqu’au pouvoir de contrôle, censé être le dernier rempart contre la déviation.
Cette centralisation excessive crée un espace institutionnel où la contrebalance politique est presque inexistante, ouvrant la voie à un exercice solitaire du pouvoir.
Transition renforcée
C’est dans ce contexte, et à l’heure où s’engage un nouveau dialogue national, que deux questions structurantes méritent une attention particulière : la nature du système présidentiel et la durée du mandat présidentiel. Ces sujets ont été abordés par le passé, certes, mais l’évolution récente de la pratique du pouvoir rend leur réexamen indispensable.
Un système présidentiel dévoyé
Dans sa conception classique, le système présidentiel repose sur la séparation stricte des pouvoirs : le président gouverne, le Parlement contrôle, la justice arbitre. Le tout s’appuie sur des institutions conçues pour prévenir l’abus de pouvoir.
Le texte constitutionnel mauritanien s’inspire en apparence de ce modèle — particulièrement de la Ve République française — mais il en oublie l’élément vital : les garde-fous politiques et juridiques. En France, le chef de l’État est encadré par un Parlement capable de renverser le gouvernement, une justice dotée d’une réelle autonomie et une vie politique rompue à l’alternance. Chez nous, ces mécanismes sont soit absents, soit neutralisés.
Transition renforcée
Et lorsque l’État ne fixe pas de limites, d’autres acteurs s’en chargent — au détriment de l’intérêt général.
Le pouvoir parallèle des proches : une dérive systémique
Dans ce vide institutionnel, les proches du président — parents, alliés, collaborateurs privilégiés — accèdent à des sphères d’influence considérables, sans mandat public ni redevabilité. Leur pouvoir devient souvent supérieur à celui des responsables officiellement nommés.
Dans un tel climat, la loi s’efface devant la proximité avec le pouvoir, la justice perd de sa portée, et l’appareil d’État se trouve fragmenté entre intérêts privés et décisions arbitraires. Le résultat est sans appel : paralysie administrative, affaiblissement des institutions, perte de confiance citoyenne et stagnation économique.
Transition renforcée
Face à ce constat, la réforme du mandat présidentiel apparaît comme un levier essentiel pour restaurer l’équilibre.
Pour un mandat présidentiel court, limité et démocratique
Nous proposons l’instauration d’un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois. Cette architecture, adoptée par de nombreuses démocraties contemporaines, permettrait :
- de réduire la tentation de la concentration durable du pouvoir,
- d’encourager la performance plutôt que l’enracinement,
- de favoriser l’alternance et la responsabilité politique,
- de donner au citoyen un contrôle plus fréquent et plus efficace sur l’action présidentielle.
Dans un pays où le pouvoir a longtemps été perçu comme un héritage personnel, limiter strictement sa durée est un acte fondateur : celui qui permet d’ancrer la République sur des bases modernes et de rompre avec les pratiques qui freinent son développement.
Si la Mauritanie veut échapper à l’immobilisme et au cercle vicieux de la gouvernance personnalisée, elle n’a plus le choix : les réformes constitutionnelles doivent être concrètes, immédiates et audacieuses. Reporter ces changements, ou se contenter de débats purement théoriques, serait sceller l’avenir du pays à la logique de l’arbitraire. La nation exige des institutions fortes, un pouvoir contrôlé et une justice indépendante : tout retard serait non seulement une faute politique, mais une trahison envers le peuple.
Ecrit par L’Ingénieur El Hadj SIDI BRAHIM SIDI YAHYA
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