Éditorial de l’Agence El Hodh d’Information -//-
Dans une démarche sans précédent, les autorités mauritaniennes ont accordé une licence définitive à une entreprise Australienne pour l’exploitation d’une mine d’uranium dans la région de Tiris, au nord-est du pays. Ce développement intervient à un moment crucial, alors que la Mauritanie entre dans une nouvelle phase de son histoire économique avec le lancement de la production de gaz dans le champ de la « Grande Tortue Ahmeyim », marquant ainsi un tournant stratégique dans l’exploitation de ses ressources naturelles.
La mine de Tiris : un pas audacieux vers l’énergie nucléaire
La mine de Tiris est le tout premier projet mauritanien dédié à l’extraction d’uranium. Elle renferme d’importantes réserves estimées à des dizaines de millions de livres de ce métal lourd. L’entreprise en charge du projet prévoit une production annuelle significative, ouvrant la voie à l’exportation d’un matériau clé dans la production d’énergie nucléaire et les industries de haute technologie.
À l’échelle mondiale, la demande en uranium est en forte croissance du fait de l’expansion des réacteurs nucléaires, alors que la production actuelle ne couvre pas les besoins. En 2022, la production mondiale ne représentait que 74 % de la demande, contre 91 % en 2013. Le Kazakhstan est le premier producteur mondial, suivi du Canada et de la Namibie. L’Afrique compte quatre pays producteurs, dont le Niger et la Namibie, et l’Asie en compte sept, dont la Chine, l’Inde et le Kazakhstan. Plusieurs pays comme les États-Unis et l’Ukraine ont vu leur production décliner. L’uranium est utilisé après enrichissement pour produire de l’électricité ou à des fins militaires.
Gaz et pétrole : la Mauritanie à l’aube d’un boom énergétique
Cette évolution dans l’exploitation de l’uranium coïncide avec le début des exportations de gaz issues du champ Ahmeyim, partagé avec le Sénégal. Mais l’enjeu majeur reste l’existence d’autres champs prometteurs, en particulier celui de Birallah, entièrement situé en territoire mauritanien et considéré comme le plus vaste du pays.
Le champ de Birallah renfermerait cinq fois plus de gaz que le champ d’Ahmeyim. Actuellement en phase de préparation pour l’exploitation, il pourrait faire de la Mauritanie l’un des principaux exportateurs de gaz de la région.
La leçon du Niger : quand les richesses sont pillées sans retour pour le peuple
Avant de célébrer ces projets, il convient de méditer l’exemple du Niger, dont l’uranium fut exploité pendant des décennies au profit d’une entreprise Française, sans réel bénéfice pour les populations locales.
Cette richesse a permis à des pays occidentaux, notamment la France — propriétaire de l’entreprise exploitante — de bénéficier d’une énergie stable et propre à bas prix, tandis que les zones minières nigériennes ont hérité des maladies, de la pollution et de l’exclusion.
Les eaux des puits sont devenues impropres, l’air chargé de particules radioactives, et la poussière a propagé ses toxines dans les corps et les champs. Même les pluies dans les zones proches des mines sont contaminées par des résidus radioactifs.
Si la région de Tasiast a souffert des effets de l’extraction aurifère, que dire d’un minerai aussi dangereux que l’uranium, dont la pollution est plus profonde et plus persistante ?
Une opportunité de progrès… ou une voie vers les regrets
La simultanéité de ces projets — uranium et gaz — place la Mauritanie devant une chance historique de transformer son économie et construire un avenir autonome et prospère.
Mais cette chance pourrait vite se muer en malédiction si elle est mal gérée, ou si les revenus ne sont pas investis dans l’éducation, la santé et les infrastructures.
Le pays dispose aujourd’hui de gaz, de pétrole, d’or et d’uranium, mais la véritable richesse réside dans une volonté politique éclairée, dans un contrôle populaire vigilant, et dans des institutions capables de défendre l’intérêt général.
Les ressources ne bâtissent pas seules les nations, ce sont les peuples qui le font
La garantie réelle du succès d’un pays ne réside pas uniquement dans ses ressources, mais dans son peuple : pierre angulaire des institutions, gardien des finances publiques, et juge de la gouvernance.
Or, la situation actuelle en Mauritanie montre un peuple encore tenu à l’écart des décisions. On semble vouloir qu’il se contente de ce qu’on lui donne, au lieu de participer activement à la construction de son destin.
Les récentes élections, entachées d’irrégularités et d’une couverture médiatique orientée, témoignent du long chemin qu’il reste à parcourir pour instaurer un véritable changement, et des forces qui souhaitent maintenir le citoyen dans un rôle passif.
Le plus grand danger pour nos ressources n’est pas l’absence de capitaux ou de technologie, mais l’exclusion du peuple, l’érosion démocratique, et la transformation de la nation en théâtre de décisions unilatérales.
Les ressources sont là… mais le développement véritable commence le jour où le peuple devient acteur, et non spectateur — propriétaire, et non quémandeur.
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