Depuis plusieurs jours, Nouakchott, capitale de la Mauritanie et cœur administratif, politique et économique du pays, traverse une crise hydrique qui ne dit pas son nom. Les robinets se vident, les citernes privées deviennent la planche de salut de quartiers entiers, et la population s’adapte, contrainte, à un quotidien rythmé par la quête de quelques bidons d’eau.
Depuis plusieurs jours, Nouakchott, capitale de la Mauritanie et cœur administratif, politique et économique du pays, traverse une crise hydrique qui ne dit pas son nom. Les robinets se vident, les citernes privées deviennent la planche de salut de quartiers entiers, et la population s’adapte, contrainte, à un quotidien rythmé par la quête de quelques bidons d’eau.
L’évitement médiatique : une constante institutionnelle
Dans ce contexte, on pourrait attendre des médias publics qu’ils jouent pleinement leur rôle d’information et d’alerte. Or, le constat est tout autre : aucun débat de fond sur les causes de la crise, aucune présentation transparente des mesures en cours, aucune indication sur le calendrier de retour à la normale. On se contente de diffuser des séquences mettant en avant des réalisations supposées, sur des sujets souvent sans rapport avec les problèmes brûlants de l’heure, comme si la capitale vivait hors du temps, hors de l’épreuve, dans une campagne électorale permanente.
Cette absence de couverture sérieuse n’est pas neutre : elle prive les citoyens de leur droit à l’information et alimente un climat d’opacité qui fragilise la confiance publique. Les coupures d’eau ou d’électricité peuvent survenir dans tout pays ; elles ne sont pas en soi un scandale si elles sont expliquées, gérées et compensées par des solutions temporaires.
Un silence entretenu par la peur et l’autocensure
À cette carence d’information des médias publics, s’ajoute un phénomène plus insidieux : la crainte d’être catalogué comme « opposant » pour quiconque ose aborder de front les dossiers sensibles. Dans un tel environnement, les journalistes – y compris ceux issus de la presse dite « libre » – hésitent à ouvrir des enquêtes approfondies sur la question de l’eau, redoutant d’être stigmatisés.
Ainsi, le pays ne vit qu’au rythme des clivages politiques, entretenus et amplifiés par les médias, plutôt qu’au diapason des préoccupations réelles de la population. La presse, dans sa majorité – qu’elle soit étatique ou se revendiquant libre – demeure déconnectée du vécu quotidien, offrant plus de place aux affrontements partisans qu’aux problèmes concrets qui affectent la vie courante.
Des financements massifs… des résultats incertains
Ce silence est d’autant plus incompréhensible que les moyens financiers mobilisés sont considérables. Trois initiatives majeures illustrent cette réalité :
- 2019 : un prêt de 16,7 millions de dinars koweïtiens (environ 55 millions USD) accordé par le Fonds arabe pour le développement économique et social, destiné à renforcer la production, le transport et la distribution d’eau, ainsi qu’à améliorer le réseau électrique de la capitale.
- 2021 : un programme d’extension du réseau de distribution, financé par le même Fonds arabe, pour un montant estimé à 40 millions USD, visant à acheminer l’eau du fleuve Sénégal vers les « zones soif » historiquement délaissées.
- Projet Aftout Essahli : lancé pour garantir un approvisionnement durable de Nouakchott en eau du fleuve Sénégal jusqu’en 2030, avec un coût dépassant 330 millions d’unités de compte africaines (plus de 400 millions USD), cofinancé par l’État et des partenaires internationaux.
Malgré ces engagements, les résultats sur le terrain restent fragiles et la promesse d’autosuffisance s’éloigne à mesure que la demande croît et que les infrastructures peinent à suivre.
La question centrale : restaurer la confiance
Le citoyen ne réclame pas de miracle : il veut simplement comprendre les raisons de la crise, connaître les solutions engagées et savoir à quel horizon il pourra espérer un retour à la normale. Il attend des preuves tangibles que les milliards annoncés se transforment en eau qui coule dans les robinets des quartiers assoiffés.
La transparence, dans ce contexte, n’est pas un luxe médiatique ; c’est une condition de survie démocratique. Elle est le ciment de la confiance publique, un instrument pour contenir la spéculation et un levier pour mobiliser les énergies collectives autour d’un objectif commun : sortir durablement de la pénurie.
À Nouakchott, la crise de l’eau a cessé d’être uniquement un problème technique ou logistique ; elle s’est muée en enjeu politique, souvent instrumentalisé dans les joutes partisanes, moins pour éclairer et résoudre la situation que pour servir de levier dans les rapports de force.
Face à cet enjeu, reste à savoir si le citoyen obtiendra la réponse à la question essentielle : quand sa soif prendra-t-elle fin ?.
Écrit par l’Ingénieur El hadj Sidi Brahim SIDI YAHYA